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Formes élémentaires de la vie religieuse - Emile Durkheim
3 octobre 2012

Ambiguités Durkheimiennes

Totémisme Moderne (suite)

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Dans la logique épistémologique soulevée par Durkheim, où il ne poussa pas sa démonstration jusqu'au bout, demeure toujours cette ambiguïté entre religion "officielle" et religion "séculières" (ou laïques), qui ne seraient pas du même ordre.

Enfonçons donc le clou : Si un tel cas de figure échut (séparation conceptuelle), la phénoménologie étant identique par ailleurs, le sociologue  devrait se livrer à une gymnastique intellectuelle des plus ridicules :

Pour comprendre un phénomène social séculier, il devrait d'abord imaginer ce que serait ce phénomène social s'il était apparenté au religieux, et l'étudier comme tel la phénoménologie étant identique. Une fois cet étude bouclée, il refermerait la porte en disant : "Mais bien sûr, malgré ces similitudes phénoménologiques, les deux domaines restent bien distincts."

Un peu comme si un astrologue voulait envoyer un satellite sur une lune de Jupiter, employant en cela des calculs basés sur un système tournant autour du soleil, et une fois la trajectoire établie finirait par dire "Mais bien sûr, cela ne doit pas nous faire oublier que le soleil tourne autour de la terre".

De l'autre coté les religions "officielles" voudraient bien pouvoir se démarquer de la vulgate dans ce contexte. La seule chose qu'elles pourraient prétendre, c'est éventuellement qu'en tant que communautés, il soit normal qu'elles aient emprunté les modes sociologiques idoines pour se former et se perpétuer, comme les autres communautés. Et que donc leur spécificité réside ailleurs.

Mais cela voudrait dire à priori, que tout ce qu'elles ont de commun avec les autres communautés ne fait pas spécificité pour elles. Exit donc les ritualisations des cultes, ses totems et représentations, l'âme du groupe, leurs concepts cosmologiques et philosophiques même... Que resterait-il donc ? En fait, la cosmologie et philosophie athées sont bien du même ordre que celles des religions, elles ne font que précéder ces dernières dans l'actualisation des dernières découvertes dans leur "théologie".

Totemisation sociale : magique ou pas ?

Deux interrogations agitent la sociologie :

     1/  Mutations religieuses

La religion ne disparaîtrait pas mais changerait de nature, elles se feraient plus laïque. Il y aurait ainsi un transfert vers la sphère politique et culturelle, de Dieu vers Marx ou De Gaulle, Elvis Presley ou Diego Maradona.

D'abord ce n'est pas un changement, les épisodes du veau d'or, des "marchands du temple", du refus de sacraliser les saints par les protestants, montrent bien qu'il y a toujours eut des cultes parallèles aux cultes officiels. Les cultes agraires ont toujours survécu même s'il jouaient profil bas  religieusement devant le culte officiel. Idem pour les croyances occultes, astrologiques, etc.. Enfin les monarques ont toujours fait l'objet d'une certaine dévotion, bien que leur prérogatives restent à priori purement terrestres. On pourrait ainsi multiplier les exemples à l'infini.

Mais finalement l'humain a toujours été polycultuel, et l'instauration de cultes en culte d'état ne fit que camoufler temporairement cet état de fait. La sécularisation des sociétés découplant culte officiel de la vie publique remet simplement les choses en perspective.

Il n'y a pas tant transfert d'un culte vers le social, mais simplement remise en place d'un ordre "naturel" auparavant masqué.

Ceci dit il y a bien transfert de cultes vers d'autres, mais cela a toujours existé : Nous ne sommes pas resté éternellement attaché aux cultes assyriens. Même les cultes officiels évoluent : les dieux égyptiens n'ont pas toujours eu la même importance dans leur panthéon, les chrétiens, musulmans, etc., voient leurs théologies diverger d'un groupe à l'autre.

Alors que dire des bouleversements actuels :

Bien que de l'ordre du "normal", elles subissent deux accélérations.

D'abord le sacré n'étant que l'expression du social, ses mutations suivent logiquement le rythme des bouleversements sociétaux auxquels il est étroitement associé de par sa nature.

Ensuite, il y a l'accélération des moyens médiatiques : Une des révolutions majeure religieuse advint après l'invention de l'imprimerie donnant accès aux savoirs religieux au plus grand nombre. Avant les croyants ne pouvaient se faire une idée par eux même des textes parce qu'ils n'y avait pas accès. On notera un mouvement identique chez les arabes qui sont de plus en plus alphabétisés, et donc se font de plus en plus une idée par eux même des textes.

La révolution médiatique actuelle c'est internet. Désormais on ne digère plus les informations que nous servent les média classiques, mais on va les compléter par des recherches exogènes sur internet, avec toutes les dérives afférentes, soit, mais aussi bien d'autres ressources informatives.

Ce ressourcement informatif diversifié transforme les modèles de pensées du social plus rapidement, donc du Sacré.

     2/  Sacré or not sacré ?

Sacré : Le mot tabou est lâché.

La seconde interrogation, venu des athées qui peinent à se reconnaître comme religion, serait de dénier au sacré sa nature nécessairement "magique". Le transfert de sacré ne serait pas nécessairement synonyme de transfert de merveilleux irrationnel.

Les athées verraient bien que l'émergence de la raison en tant que Totem social absolu soit dépourvu d'irrationnel, et militent pour une "normalisation" rationaliste possible du sacré.

Ach ! "P'têt ben qu'Oui, p'têt et non : Faut voir ?" dit le Monstre en Spaghetti Volant (le monstre serait d'origine normande en fait).

Le précédent communiste nous incite à la prudence. C'était tout de même une idéologie basée sur un rationalisme social, et l'on a bien vu toutes les dérives cultuelles qui en sont issues. Les Athées répondent que le communisme n'était pas un rationalisme, et même si cela était les dérives du mouvement étaient exogènes, et non tant donc au noyau "théologique" du mouvement.

Alors soyons clairs, les dérives du communisme sont inhérentes à sa sacralisation totémique. Et si l'on veut consacrer la raison, les mêmes dérives sont à priori inévitables.

D'abord parce que définir la "raison" ne fait pas consensus, loin s'en faut. Et déjà s'il se fait des schismes au sein de l'église de la raison, on voit déjà bien en quoi cela est déraisonnable en soit. Prenons la science, certes il y a consensus dans un certain nombre de domaines, mais ses avancées aux confins des connaissances sont loin de se faire dans une sérénité "protocolaire" : Il y a du passionnel assez irrationnel là dedans, où les tenants des théories majoritaires égorgeraient volontiers tout vif tout nouveau concept iconoclaste sur l'autel d'un prétendu sérieux scientifique.

En d'autres termes, il ne peut y avoir de raison dans la définition de la raison.

La seule chance d'aborder la question de la place du rationnel dans le social à peu près sereinement est d'accepter que le domaine est miné par l'irrationnel sacral.

Cet irrationnel est de l'ordre du "magique" exactement comme dans les religions "officielles", où le dérapage contrôlé est de mise pour ne pas finir dans le ravin.

En définitive, toute totémisation de la raison doit savoir qu'elle embarque dans un véhicule consacré. La raison se doit donc d'apprendre quels sont les caractéristiques de ce véhicule, ses capacités de réactions, et surtout ses défauts intrinsèques pour espérer rester dans la course. Car finalement les courants religieux concurents (compris sécculiers) sont très pragmatiques dans la maitrise de cet outil et s'y adaptent plus qu'il ne le domptent finalement. Ils ont donc une longueur d'avance.

Et la raison doit admettre le caractère mystique de tout idéologie sociale pour espérer s'y faire une place centrale et surtout la garder.

Mais en quoi consisterait un investissement mystique de la raison ?

Paradoxal mon cher Watson ! Mais indispensable donc.

Les caractéristiques de toute sacralisation sont finalement assez bien connues ?

S'agit-il donc pour les rationalistes de donner à leur mouvement une forme prémâchée et qualibrée afin d'être adoubée par la société comme modèle totémique dominant ?

D'abord on voit bien que la raison n'a pas eu besoin de cela pour avoir sa place centrale dans l'idéologie moderne. Les choses ne se passent pas ainsi dans le véhicule "sacral", ou le culte est plus la résultante d'un corpus social insaisissable, que l'imposition coercitive d'un modèle rigide à ce corpus qui lui échappe malgré tout.

La première chose que la raison doit admettre, c'est qu'elle est bien embarquée dans ce véhicule qu'elle le veuille ou non. Alors autant assumer d'y être, et admettre les limites de l'exercice.

Le modèle pastafarien est assez intéressant (sérieux là), le pastafarisme est une religion au sens sociologique du terme, mais donne aussi dans la satyre et surtout l'auto-satyre religieuse. Elle a trois totems principaux : La raison d'un coté, l'humour de l'autre, et finalement un sous totem essentiel qu'est l'autodérision. Le pastafarisme est donc une religion, mais une religion qui se veut décalée, se sachant pertinemment mue par des mécanismes sacrés "sine qua non" ; Religion qui décide de l'assumer tout en les prenant au second degré (voir plus)... prenant ainsi distance avec ce qui la meut tout en étant mu par elle, c'est clair ?

Donc la raison se devrait de se laisser porter par son véhicule totémique, mais en même temps prendre un recul analytique de son insertion sociale en tant que telle (et incontournable à priori) : Analyser sociologiquement les mouvements qui l'agitent, essayer de rattraper ainsi les dérapages incontrôlés inoportuns, et assumer les à cotés consacrés de son culte en les resituant dans leur contexte de "ciment" social métaphorique, non rationnels mais nécessaires tant que pas trop délirants.

Ce recul analytique ne pourrait se faire que dans un certain style. A savoir : "Soit nous avons repéré un certain nombre de ritualisations irrationnelles dans la mise en place de la pensée rationnelle dans le social, et en voici la teneur..." ... "Si ce n'est très rationnel, c'est plus jouissif ainsi, car il faut bien que cette pensée apportent son lot de satisfaction pour être empruntée" ... "La satisfaction ultime est celle de son efficence concrête à terme, mais cette satisfaction n'étant évidente au premier abord, nous souscrivons à la nécessité de paliers plus ludiques, et sociaux, que rationnels pour y parvenir"

Notons que cette démarche admet un aspect métaphorique des paliers intermédiaires : Il ne sont que la symbolique ludique du but ultime.

Nous ne passerons pas en revue tous les mécanismes totémiques que la raison auraient à assumer socialement... Mais dont elle devrait prendre un recul amusé, dans le sens où ces procédés plus ou moins absurdes seraient néanmoins incontournables dans leur nécessité sociologique.

La question centrale reste d'espérer jouer des mécanismes sociologiques, plutôt que d'en être le jouet inconscient. Et la première étape reste de la prise de conscience des mécanismes invisibles, de la dynamique qui nous portent, pour espérer influer dessus.

Le Rationalisme est-il prêt à assumer pleinement son rôle ?

Jusqu'à présent les rationalistes joue la carte de la rationalité intellectuelle. Pour eux la raison est la raison et n'a que faire d'une mise en forme sacrale en totem social pour faire valoir ses valeurs intrinsèque. A la limite lorsqu'une consécration advient, ils feignent de s'en amuser en relativant le fait comme superstition marginalement amusante.

Prenons le culte d'Einstein.

Le bonhomme disait de lui à son voisin, alors qu'un orateur l'enscensait à un colloque : "Si seulement il savait que le type dont il parle ne porte pas de chaussette actuellement".

Alors c'est un peu l'attitude de la science face à sa sacralisation, ce qui participe d'ailleurs paradoxalement d'autant à la-dite consécration. Mais en même temps Einstein et les autres recherchent la notoriété la plus large possible à leurs théories, notoriété qui n'est que de l'ordre de la totémisation : c'est quoi un prix nobel ? On aura beau dire que ce n'est que respect pour la pertinence rationnelle, on voit bien que ça va bien au delà.

Rien que sur Einstein, ça va. Mais citez moi donc l'auteur de la théorie des cordes : Rien, évidemment c'est une théorie faites de "bout de ficelles", car elle a bien une dizaine et plus d'inventeurs. Ce qui veut dire qu'ils ne sont consacrés, tout en n'empêchant pas leur théorie d'être sanctifiée par son coté plus ésotérique que compréhensible par exemple.

La raison et la science restent dans cette ambiguïté qui est sensée se réguler d'elle-même rationnellement, tout en sachant quand même pertinemment que cette régulation tient bien plus de l'irrationnel collectif que d'une quelconque raison imaginée ici.

Pourtant le rationnel aurait bien besoin de plus de pertinence en la matière. La science est ainsi constamment attaquée dans sa nécessité sociale (Cf. Dessein Intelligent et autres)... certains religieux et politiques verrait bien la raison définitivement reléguée aux strapontins, en gardant encore l'irrationnel collectif et des marchés comme moteurs sociaux.

Alors reste la question de la structure et de la dynamique d'une telle approche. Il est évident que les scientifiques ont autre chose à faire que de gérer l'image de la science et de la raison dans l'opinion. Par contre, il y a un certain nombre d'athées et de rationalistes croyants ou agnostiques qui peuvent en faire la promotion en réfléchissant sur ses symboles et leur lisibilité dans l'opinion. Par ailleurs, s'il reste un domaine scientifique dont c'est à priori l'objet : La sociologie. 

Donc la "science" (molle) sociologique pourrait s'attacher à cette tâche également, reformuler les totems de la raison dans leur articulations et représentations : les formuler c'est les reformuler à terme, dans la mesure où cette formulation, forcément empreinte d'une certaine subjectivité (on est en sciences sociales), ne peut qu'avoir un impact sur la conscience collective dans les rapports entre rationnel et irrationnel dans le rationnel (ça suit derrière ?).

 

Le Modèle Politique :

Le monde politique est un grand consommateur de "communiquants". 

Le terme est ambigu, en fait ce sont avant tout des sociologues qui essayent de mettre en phase l'imagerie politique avec les mouvements d'opinions des électeurs. Voir pour les plus présomptueux, ils essayent de façonner l'opinion dans leur intérêt, ou tout le moins l'infléchir.

Alors tous les politiques ne savent pas que leur rôle social est marqué par le sacré totémique, certains si manifestement. Mais une chose est sûre : leur "communiquants" le savent très bien.

Ils savent que l'élu (tout un programme déjà !), est la représentation du style de société dans lequel le social se reconnaît ; Soit par définition un quasi Totem consacré.

Donc la représentation politique est constamment gérée par un staff de sociologues analysant en permanence les mouvements d'investissement des valeurs porteuses dans la société. Car l'essentiel c'est de gagner, il est toujours temps après de faire de la pédagogie sur la différence entre désirs et possibles.

Il y a encore ceux qui se considèrent au dessus de la mêlée : C'est à dire que sachant tout ceci parfaitement, ils pensent avoir saisi et incarner l'essentiel des valeurs fondamentales nécessaires à la pérennisation d'un social stable, au delà des soubresauts de l'intantanéïté des choses.

Alors contrairement à la raison et rationalité scientifique, le politique est rentré de plein pied dans l'universalisme sacral, et il assume plus ou moins sa place en tant que telle. En ce sens c'est un modèle : Un modèle à dépasser pour les rationnalistes, mais un modèle quand même de gestion interne et externe de ce qui meut les choses socialement. On supposera que les sociologues possèdent mieux la maîtrise des outils idoines, et sont plus à même de les affiner.

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